Le billet du Délégué Général
Par Christophe LAMARQUE - Janvier 2025
Alors que la France est plongée dans l’hiver, les propriétaires immobiliers ont passé les fêtes avec une certitude pour 2025 : que le brouillard de ces incertitudes politiques, juridiques, économiques, budgétaires et fiscales, assombrit la Crise traversée par le secteur de l’immobilier, et plombe chaque jour davantage les marges supportables pour les propriétaires immobiliers du secteur privé.
Après la censure du gouvernement Barnier, c’est un nombre d’occasions manquées pour tenir compte des réalités qui pèsent sur le logement, l’investissement immobilier, sa transformation vers une durabilité environnementale. Diverses mesures ont été repoussées, faute de gouvernement.
Le récent nouveau Gouvernement Bayrou, sera-t-il bien centré sur les réalités qui fondent les préoccupations de l’ensemble des Français en matière immobilière ?
Les propriétaires immobiliers privés sont depuis trop longtemps, trop facilement boucs émissaires d’une crise endémique, d’une lente agonie d’un secteur majeur et stratégique dans l’économie française non délocalisable.
On ne danse jamais très longtemps sur un volcan.

On ne peut rien entreprendre ou construire socialement de façon soutenable sans jamais donner un signal de justice fiscale, économique et juridique en stigmatisant ainsi, les propriétaires.
En effet, tous s’accordent, à relever l’inefficacité et l’incohérence des moyens mis en œuvre en matière de politique du logement, de réalité des besoins, à l’heure où des solutions de transformation des immeubles et des logements s’imposent. L’instabilité et le désintérêt pour le Ministère du Logement n’est plus à démontrer puisque, depuis huit ans, huit locataires du simple secrétaire d’Etat, au Ministre délégué et parfois Ministre de plein exercice, ont occupé la fonction (allant d’un mois pour Amelie de Montchalin à vingt deux mois pour le plus long pour Emmanuelle Wargon).
S’il est vrai que la crise de l’immobilier - et dans l’immobilier - dure depuis beaucoup plus longtemps, elle se propage et s’étend au logement d’habitation et au secteur de la construction dans le neuf, ou de la rénovation de l’ancien, ou de l’investissement locatif.
L’incohérence de mesures décousues, d’obligations réglementaires, dans des délais insuffisants, plombe en zones tendues un grand nombre de propriétaires bailleurs, avec l’impossible réalisation de travaux tenables, finançables comme ceux liés à l’amélioration énergétique des logements et des immeubles. D’autant plus que, depuis la loi climat résilience en 2021, le compte à rebours s’égrène inexorablement pour les propriétaires. Désormais les logements soumis à la location, à compter du 1er janvier 2025, sont considérés comme indécents, classés passoires thermiques, au titre du diagnostic de performance énergétique, lorsqu’ils seront étiquetés G.
D’autant plus qu’au 1er janvier 2028 ce même dispositif actuel (s’il est maintenu en l’état) s’imposera aux 1 200 000 logements classés F en France dont une bonne partie en région parisienne. L’élargissement du prêt à taux zéro sur tout le territoire, pour le logement ancien comme pour le logement neuf, se fait toujours attendre.
Si 600 000 logements appartenant parfois à des propriétaires désœuvrés ne peuvent plus être loués, quelles solutions équilibrées proposer aux locataires ?
Le manque de rentabilité dans l’ancien, couplé aux augmentations de la taxe foncière, à la règle de l’encadrement des loyers comme à Paris, ou au coût des rénovations énergétiques freinent les investisseurs et affolent un grand nombre de propriétaires bailleurs qui n’ont pas, ou plus les moyens de la rénovation, les obligeant à vendre, sous la pression des mises en demeure des locataires.
A quand un véritable statut légal du bailleur privé ? Une réforme cohérente en profondeur de la fiscalité des revenus, du capital, de l’investissement, et de la transmission en matière immobilière serait la bienvenue.
Ne pourrait-on pas :
- Reconsidérer dans toutes ses dimensions le rôle social et central, du prêt à taux zéro dans l’accès et le maintien du logement partout sur nos territoires urbains et ruraux ?
- Simplifier la gestion immobilière d’une réglementation étouffante ?
Citons que douze réformes des critères de recevabilité de l’aide gouvernementale « ma prime Renov » se sont succédées en 4 ans, et pour quelle efficacité ? Pour quels signaux tangibles, crédibles et lisibles perçus par ces propriétaires engagés ?
Un rapport que vient de publier en janvier 2025, la Cour des Comptes (dont la mission principale est de s'assurer du bon emploi de l'argent public et d'en informer les citoyens) souligne l’inefficacité de la gestion de cette plateforme, et pointe les dysfonctionnements de remontées et traitements d’informations concernant les propriétaires.
Son Premier Président Pierre Moscovici s’étonne « Comment l’administration s’est- elle retrouvée dans une situation aussi chaotique, ubuesque, et lourde de conséquences pour les finances publiques ? »
Depuis sa mise en service en 2021 l’application destinée au contribuable « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI) est conçue pour faciliter les démarches des propriétaires de biens immobiliers. Cet outil de l’administration fiscale a vocation à faciliter la modernisation de la déclaration des biens immobiliers des propriétaires en France et les modalités d’occupation de ces biens ; En effet cette plateforme offre la possibilité aux contribuables d’avoir accès en temps réel aux informations dont dispose l’administration sur leurs biens et de pouvoir les corriger et assure également la gestion des déclarations foncières et des taxes d’urbanisme.
Depuis la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales entre 2018 et 2023 et, à terme, de la révision des valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation, cette application doit aussi permettre à l’administration fiscale de collecter des données immobilières indispensables fiabilisées, actualisées et d’en disposer pour établir le rôle des trois impôts subsistants, à savoir les taxes d’habitation sur les résidences secondaires et sur les logements vacants et la taxe sur les logements vacants, tous collectés par l’État au profit des collectivités locales et, pour la dernière, de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah).
Dès le printemps 2023, tous les propriétaires ont été invités à vérifier et éventuellement mettre à jour les données relatives à leurs biens immobiliers préalablement saisies par l’administration dans GMBI. Plusieurs critères de renseignements devaient être remplis pour chaque bien immobilier comme l’occupation personnelle, la vacance, ou la location, et préciser la période d’occupation et l’identité des occupants.
En raison notamment de l’incompréhension des contribuables sur ce qui leur était demandé, l’administration fiscale n’a pas pu disposer en temps utile de données robustes sur l’occupation des locaux.
Le déploiement de GMBI s’est déroulé dans des conditions particulièrement difficiles et, de ce fait, plus d’un million de contribuables ont été imposés, à tort, à la taxe d’habitation ou à la taxe sur les logements vacants.

Cet outil uniquement accessible par internet, s’est heurté à l’incompréhension d’un grand nombre de propriétaires contribuables, souvent démunis, rencontrant de réelles difficultés d’accès, d’utilisation et de compréhension de cette plateforme. La Chambre avait déjà alerté sur les risques de difficultés légitimes, et d’isolement voire d’illectronisme que rencontrent parfois nos adhérents malgré nos aides et assistances proposées.
En conséquence des dégrèvements très importants, d’un montant supérieur à 1,3 Md€, (l'équivalent à 34 % du produit de ces taxes en 2023) ont dû être consentis en 2024 par l’administration et remboursés à près d’un million de contribuables concernés.
Les conséquences de ce bug administratif sont lourdes pour tout le monde :
- D’abord pour l’Etat, en recherche d’économie budgétaire d’une part: puisque la charge financière lui incombe intégralement conformément aux dispositions du code général des impôts, alors qu’une partie du produit encaissé de ces taxes à tort, devait rester acquis aux collectivités territoriales.
- Pour les contribuables non concernés par le jeu de surimpositions exigées des communes par les envois des taxes foncière, taxes d’habitation ou taxe sur les logements vacants adressées aux propriétaires non concernés.
Rappelons à nos adhérents que la prochaine déclaration ou vérification auprès de l’administration fiscale sur la plateforme (DBMI) devra être réalisée avant le 1er juillet 2025 pour l’année 2024, si vous ne l’avez pas faite l’année dernière ou en cas de changement de situation d’occupation d’un de vos biens immobiliers (habitation principale ou secondaire, locative ou vacante).
En 2025 qui mettra tout sur le tapis ?
Qui assurera crédibilité, lisibilité et confiance en l’investissement dans la pierre… dans l’ancien comme dans le neuf ?

Christophe LAMARQUE
Délégué Général - Directeur Juridique & Immobilier
Ancien clerc principal, formateur et consultant en droit notarial, droit privé et professions immobilières, Christophe Lamarque est spécialisé en droit privé, patrimonial et expertise immobilière. Diplômé d'Etudes Supérieures Spécialisées (DESS) en droit notarial et de l’Institut d’Etudes Juridiques en Urbanisme et Construction (IEJUC), il accompagne les adhérents dans des problématiques diverses et notamment dans le cadre d'opérations immobilières et juridiques complexes. A l'écoute des professionnels et des particuliers, son analyse et ses conseils permettent d'optimiser et de clarifier certaines situations difficiles. Également, il est membre des Commissions Départementales de Conciliation en matière fiscale et baux d’Habitations à Paris, Créteil et Bobigny.
c.lamarque@cpgp.paris
